30 Juin 2017 : Décès de Simone Veil Posted juin 30, 2017 by admin

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Par la voix de sa présidente, la Fédération Nationale Ifafe rend hommage à

Simone Veil, icône de la lutte pour les Droits des Femmes.

Mme Damarys Maa Marchand (au milieu) en compagnie de Simone Veil

 

« Tata Simone »

Par respect et pour son rang, c’est ainsi que nous l’appelions, nous les femmes africaines.
Femme Courage,
Femme Digne,
Femme de Conviction,
Femme de Tolérance
Femme de Caractère
Femme Déterminée
Femme à la vie exemplaire, elle marquera l’histoire de notre pays, la France et celle de l’Europe.
Combattante des causes nobles et justes pour l’émancipation des femmes,
« Vous ne me faites pas peur, j’ai vécu pire que vous ! » avait-elle dit en plein combat face à l’acharnement de ses collègues hommes parlementaires.

Très tôt,  » Tata Simone » a cru en nos actions et, elle a pu encourager nos engagements associatifs. En 2001, dans le cadre de la célébration du centenaire de la Loi 1901, lors d’une réception au Conseil Constitutionnel, elle nous avait dit « N’ayez pas peur, allez y… « .

Damarys MAA MARCHAND

 

 

Retrouvez ici son discours de 1974 sur la loi IVG :


 

 

« Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, si j’interviens aujourd’hui à cette tribune, Ministre de la Santé, femme et non-parlementaire, pour proposer aux élus de la nation une profonde modification de la législation sur l’avortement, croyez bien que c’est avec un profond sentiment d’humilité devant la difficulté du problème, comme devant l’ampleur des résonances qu’il suscite au plus intime de chacun des Françaises, et en pleine conscience de la gravité des responsabilités que nous allons assumer ensemble. Mais c’est aussi avec la plus grande conviction que je défendrai un projet longuement réfléchi et délibéré pour l’ensemble du gouvernement, un projet qui, selon les termes même du président de la République, a pour objet de « mettre fin à une situation de désordre et d’injustice et d’apporter une solution mesurée et humaine à un des problèmes les plus difficiles de notre temps ».

Si le gouvernement peut aujourd’hui vous présenter un tel projet, c’est grâce à tous ceux d’entre vous – et ils sont nombreux et de tous horizons – qui, depuis plusieurs années, se sont efforcés de proposer une nouvelle législation, mieux adaptée au consensus social et à la situation de fait que connaît notre pays. C’est aussi parce que le gouvernement de M.Messmer avait pris la responsabilité de vous soumettre un projet novateur et courageux. Chacun d’entre nous garde en mémoire la très remarquable et émouvante présentation qu’en avait fait M. Jean Taittinger. C’est enfin parce que, au sein d’une commission spéciale présidée par M. Berger, nombreux sont les députés qui ont entendu, pendant de longues heures, les représentants de toutes les familles d’esprit, ainsi que les principales personnalités compétentes en la matière. Pourtant, d’aucuns s’interrogent encore : une nouvelle loi est-elle vraiment nécessaire ? Pour quelques-uns, les choses sont simples : il existe une loi répressive, il n’y a qu’à l’appliquer.

D’autres se demandent pourquoi le Parlement devrait trancher maintenant ces problèmes : nul n’ignore que depuis l’origine, et particulièrement depuis le début du siècle, la loi a toujours été rigoureuse, mais qu’elle n’a été que peu appliquée. En quoi les choses ont-elles donc changé, qui oblige à intervenir ? Pourquoi ne pas maintenir le principe et continuer à ne l’appliquer qu’à titre exceptionnel ? Pourquoi consacrer une pratique délictueuse et, ainsi, risquer de l’encourager ? Pourquoi légiférer et couvrir ainsi le laxisme de notre société, favoriser les égoïsmes individuels au lieu de faire revivre une morale de civisme et de rigueur ? Pourquoi risquer d’aggraver une mouvement de dénatalité dangereusement amorcé au lieu de promouvoir une politique familiale généreuse et constructive qui permette à toutes les mères de mettre au monde et d’élever des enfants qu’elles ont conçus ? Parce que tout nous montre que la question ne se pose pas en ces termes. Croyez-vous que ce gouvernement et celui qui l’a précédé se seraient résolus à élaborer un texte et à vous le proposer s’ils avaient pensé qu’une autre solution était encore possible ? Nous sommes arrivés à un point où, en ce domaine, les pouvoirs publics ne peuvent plus éluder leurs responsabilités.

Tout le démontre : les études et les travaux menés depuis plusieurs années, les auditions de votre commission, l’expérience des autres pays européens.Et la plupart d’entre vous le sentent, qui savent qu’on ne peut empêcher les avortements clandestins et qu’on ne peut non plus appliquer la loi pénale à toutes les femmes qui seraient passibles de ses rigueurs. Pourquoi donc ne pas continuer à fermer les yeux ? Parce que la situation actuelle est mauvaise.Je dirai même qu’elle est déplorable et dramatique. Elle est mauvaise parce que la loi est ouvertement bafouée, pire même, ridiculisée. Lorsque l’écart entre les infractions commises et celles qui sont poursuivies est tel qu’il n’y a plus à proprement parler de répression, c’est le respect des citoyens pour la loi, et donc l’autorité de l’État, qui sont mis en cause. Lorsque des médecins, dans leurs cabinets, enfreignent la loi et le font connaître publiquement, lorsque les parquets, avant de poursuivre, sont invités à en référer dans chaque cas au ministère de la Justice, lorsque des services sociaux d’organismes publics fournissent à des femmes en détresse les renseignements susceptibles de faciliter une interruption de grossesse, lorsque, aux mêmes fins, sont organisés ouvertement et même par charters des voyages à l’étranger, alors je dis que nous sommes dans une situation de désordre et d’anarchie qui ne peut plus continuer.

Mais, me direz-vous, pourquoi avoir laissé la situation se dégrader ainsi et pourquoi la tolérer ? Pourquoi ne pas faire respecter la loi ? Parce que si des médecins, si des personnels sociaux, si même un certain nombre de citoyens participent à ces actions illégales, c’est bien qu’ils s’y sentent contraintes ; en opposition parfois avec leurs convictions personnelles, ils se trouvent confrontés à des situations de fait qu’ils ne peuvent méconnaître. Parce qu’en face décidée à interrompre sa grossesse, ils savent qu’en refusant leur conseil et leur soutien ils la rejettent dans la solitude et l’angoisse d’un acte perpétré dans les pires conditions, qui risque de la laisser mutilée à jamais. Ils savent que la même femme, si elle a de l’argent, si elle sait s’informer, se rendra dans un pays voisin ou même en France dans certaines cliniques et pourra, sans encourir aucun risque ni aucune pénalité, mettre fin à sa grossesse.

Et ces femmes, ce ne sont pas nécessairement les plus immorales ou les plus inconscientes. Elles sont trois cent mille chaque année. Ce sont celles que nous côtoyons chaque jour et dont nous ignorons la plupart du temps la détresse et les drames. C’est à ce désordre qu’il faut mettre fin. C’est cette injustice qu’il convient de faire cesser.

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