Le gouvernement a reçu lundi le rapport parlementaire qu‘il a commandé pour refonder l‘intégration des étrangers en France et abonder la dimension sociale du projet de loi asile et immigration qui sera présenté mercredi en conseil des ministres.
Dans ce rapport rédigé à l‘issue de six mois de mission, le député du Val-d‘Oise et ancien militant socialiste Aurélien Taché, déplore l‘insuffisance du cadre donné à l‘intégration: “On glose inlassablement autour du ‘vivre-ensemble’, sans jamais se donner les moyens de ‘faire-ensemble’”.
Appelant à un “changement de mentalités, en positionnant l‘État comme un investisseur social”, il propose une refonte et un renforcement du contrat d‘intégration républicaine (CIR), seul dispositif dédié en faveur de l‘intégration des étrangers admis au séjour et souhaitant s‘installer durablement en France.
En 2017, quelque 130.000 étrangers admis en France pour motifs humanitaires ou autres, correspondaient à cette définition.
En “72 propositions pour une politique ambitieuse d‘intégration des étrangers arrivant en France”, Aurélien Taché préconise notamment de doubler le nombre d‘heures de cours de français, voire de les tripler pour les publics qui le souhaitent, “pour viser une élévation du niveau”. Le CIR comprend pour l‘heure 200 heures de français au maximum et douze heures de formation civique.
- Accès à l’emploi
Parmi les principales mesures proposées, le rapport suggère que les demandeurs d’asile puissent commencer six mois après le dépôt de leur dossier, délai auquel le projet de loi immigration ambitionne de ramener la durée d’examen d’une demande d’asile.
« Il faut être cohérent, soit on arrive à avoir une réponse pour l’asile en six mois comme on s’y engage dans la loi, soit on ne prive plus la personne du droit de travailler », défend l’ancien socialiste Aurélien Taché dans Le Parisien. « On ne donne pas du travail, on donne la possibilité d’en chercher », précise l’élu de La République en marche.
« On ne tient absolument pas compte du savoir-faire de la personne, de ce qu’elle pourrait vouloir faire en arrivant, de l’orientation vers des métiers où il y a des besoins… A l’exil, on a ajouté le déclassement », déplore-t-il.
- La France à la traine
A ce titre, il envisage d‘autoriser les demandeurs d‘asile à travailler dans un délai de six mois après leur requête, “voire plus tôt dans le cadre d‘un examen au cas par cas”, contre neuf actuellement, un délai qui place la France parmi les pays de l‘OCDE les plus restrictifs.
Le module d‘instruction civique passerait pour sa part à 60 heures, pour “permettre un véritable temps de découverte et d‘ouverture sur la société française” et rapprocher la France des pratiques d‘autres pays européens (70 heures en Suède, 80 en Belgique et 100 heures en Allemagne).
Le volet emploi des propositions, chiffré à 227 millions d‘euros, entend créer les conditions d‘un accès à l‘emploi “le plus précoce possible” pour les étrangers. Il préconise en outre une meilleure reconnaissance des diplômes étrangers.
Pour ce faire, le rapport préconise de renforcer l‘accompagnement en lien avec les branches professionnelles, l‘Office français de l‘immigration et de l‘intégration (Ofii), Pôle emploi et l‘Agence nationale pour la formation professionnelle (Afpa), lisser les ruptures administratives liées à l‘obtention de titres de séjour en préfecture, mais aussi de favoriser les initiatives privées (start-up, partenariats avec les grandes entreprises).
En 2016, le taux d‘emploi global des populations d‘origine étrangère dans l‘OCDE était de 67,4%, contre 55,3% en France, dans le bas du classement aux côtés de l‘Espagne et de la Belgique.
- Engagement citoyen
L’élu du Val-d’Oise estime que l’Etat doit lancer la machine, mais plaide aussi pour un engagement citoyen, afin que les Français soient acteurs de cette intégration. « Imaginons une grande plate-forme numérique, sur le modèle de service-public.fr, expose l’auteur du rapport. Le nouveau venu y trouverait aussi bien les démarches à suivre que les cours de français dispensés près de chez lui, ou même les hébergements chez les particuliers », résume l’élu, qui souhaite que les Français puissent parrainer un nouveau venu, « car l’intégration se fait aussi par le contact, le partage, la rencontre ». Dans le vaste mouvement qu’il aimerait voir initié, les communes pourraient participer, soutenues par une prime de 1 000 euros par logement proposé pour un réfugié, les entreprises seraient incitées à faciliter ce soutien et un « crédit impôt solidarité pour les gens qui hébergent » verrait le jour. « J’ai vu beaucoup de gens modestes qui souhaitent accueillir, mais pour qui les fins de mois sont trop justes », observe-t-il.
Son travail maintient le contrat d’intégration républicaine (CIR), seul vestige des politiques d’intégration passées. Aurélien Taché en conserve le nom, certes, mais le repense sur soixante heures et non plus douze, pour réellement « apprendre la France » tout au long du processus d’intégration. « Un collège d’historiens, pédagogues, artistes donnerait corps à ce module qui doit être l’occasion d’aborder la vie en France de façon concrète, en laissant place à la discussion et aux interventions des Français à travers la réserve citoyenne, le service civique ou des associations », précise le rapport.
Aurélien Taché fait en effet le pari que cette France accueillante inciterait en retour le nouveau venu à signer pour du bénévolat voire un contrat de service civique. « Et c’est à mes yeux une si belle preuve d’intégration qu’elle mérite la nationalité ! », ajoute l’élu, qui regrette qu’aujourd’hui « on ne regarde pas assez souvent comment les nouveaux venus se sont engagés pour leur pays d’adoption » et que cet accès soit trop laissé au bon vouloir des préfets. Ce qu’il propose de cadrer. Comme les passages, trop nombreux à ses yeux, en préfecture. Après avoir constaté que l’immigré « doit se rendre en moyenne quatre fois en préfecture avant d’obtenir son premier titre de séjour », le député prône l’octroi de titres pluriannuels dès l’arrivée et la dématérialisation de leur renouvellement.
Et, afin que tout cela devienne possible, il appelle de ses vœux la création « d’un établissement public dédié ». C’est évidemment le sujet qui risque de fâcher à la fois le ministère de l’intérieur, dont la direction des étrangers se croyait spécialiste du sujet, et l’OFII qui elle aussi pensait rafler la mise, forte de la gestion des CIR…
Pour l’heure, un comité interministériel se profile et décidera de ce point, comme des 71 autres propositions.
Sources : Reuters, Le Monde, BFM
0